QUELQUES AUTRES DESTINS PARTICULIERS

Le mariage d'un ancien galèrien.

                 En juillet 1713, le prieur de Saint Jean de Crieulon avait célébré le mariage de André Bourras, âgé de 35 ans environ, fils de Paul et Marie Soulier de Cannes diocèse d'Uzès, habitant à Sauve avec Louise Barbut fille d'Antoine, rentier de Perdiguier paroisse de Saint Jean de Crieulon, et de Elisabeth Volle, âgée de 17 ans environ.

                L'âge un peu avancé du promis pourrait étonner à une époque où l'on se mariait plutôt jeune pour avoir de nombreux enfants et être sûr que l'un d'eux transmettra le nom.

                André Bourras aurait, sans doute, souhaité se marier plus jeune si, âgé de 25 ans, il n'avait été condamné aux galères à vie par jugement du Duc de Berwick, commandant en Languedoc, rendu à Montpellier le 20 juillet 1705, pour avoir assisté à des assemblées. Il est enregistré sous le numéro 29648 dans le registre d'écrou des galères à Marseille à la date du 22 juillet 1705.

                Il a été libéré le 14 avril 1712 "par ordre du Roy du 30 mars audit an". Louis Puech de Saint Maurice de Cazevieille, condamné en même temps et pour le même motif, avait été libéré un an avant lui mais à condition de servir pendant sa vie  dans les troupes.

                André Bourras et Louise Barbut eurent deux filles,  Marie née à Sauve vers 1718 et Elisabeth vers 1726, qui se marièrent à Sauve en 1738 et 1746. Mais la plus jeune ne connut guère son père car, en février 1730, Louise Barbut se remariait avec Louis Combet.

                                Lien avec la famille Pascal-Vallongue.

                Le 9 décembre 1789, le curé de Saint Jean de Crieulon avait béni l'union de Jean-Simon Pascal, sieur de Logrian et Vallongue, fils de feu Simon-Pierre Pascal, viguier et juge de la ville de Sauve, aussi Sieur de Logrian et Vallongue, et de Dame Louise Bruguier avec Demoiselle Françoise Henriette Campel fille de Me Louis Campel, avocat au Parlement, et de Dame Henriette d'Estienne tous de Sauve. On peut se demander pourquoi ce mariage a été célébré dans l'église de Saint Jean de Crieulon; la seule raison semble être que la seigneurie de Vallongue est située sur cette paroisse.

                Ce Jean-Simon Pascal sera maire de Sauve vers 1820 et signera alors Pascal-Vallongue, comme sa soeur Madeleine épouse de Jean Joseph Thérond de Sauve En effet, leur frère cadet était Joseph Secret Pascal, né à Sauve le 14 avril 1763, général du génie mort à Gaète (Italie) le 15 juin 1806, connu sous le nom de Pascal-Vallongue dont le nom est inscrit sur l'Arc de Triomphe à Paris. Une caserne de Nîmes, sur la route d'Uzès, porte le nom de "Quartier Vallongue" en hommage à ce valeureux soldat. De nombreuses recrues du canton ont dû y passer sans bien  connaître l'origine du nom, pas plus que l'auteur de ces lignes qui y a servi plusieurs années et qui vient de découvrir que ce Jean Joseph Thérond, beau frère du général, avait des ancêtres communs avec lui.

                Après l'artillerie, c'est maintenant le 2ème Régiment Etranger d'Infanterie qui l'occupe.

 

LES MISERES DES GUERRES

                Le Premier Empire avait succédé à la Révolution et les coalitions, les unes après les autres, menaçaient la France et l'Empereur avait besoin de soldats pour ses armées.  La petite commune de Saint Jean de Crieulon a fourni sa part pour la gloire mais aussi pour la douleur.

                Chaque année, le canton devait fournir un certain nombre de soldats pour les régiments de ligne et pour la garde nationale. En 1809 et 1810, c'était 9+3 pour l'ensemble du canton de Sauve. En 1813, ce fut 19+1; il fallait reconstituer des armées après le désastre en Russie.

                Tous les hommes de la classe étaient réunis au chef-lieu de canton pour tirer au sort un numéro. Puis ils étaient couchés sur une liste selon l'ordre croissant des numéros, avec des renseignements d'état civil ainsi que des observations ou l'énoncé de motif de réforme. Les plus petits numéros désignaient les recrues jusqu'à atteindre le nombre requis malgré les réformes décidées par la commission.

                Ce système était moins inique que celui pratiqué au début de la Révolution où les maires devaient désigner un certain nombre de "volontaires" qui, le plus souvent, étaient choisis parmi les demeurés, les estropiés, les plus gueux ou les "étrangers" fraîchement installés dans la commune.

                Les recrues désignées devaient rejoindre Nîmes d'où elles étaient dirigées sur leur régiment après peu ou pas d'instruction. En cours de route, il se produisait une certaine "évaporation" et la recherche des déserteurs était une des grandes préoccupations des autorités militaires et municipales.

                Pour Crieulon, comme on disait alors, en 1809, Joseph Boudet, tailleur d'habits, fils d'Antoine et Marie Brivan tire le numéro 42 sur 48 conscrits. Il est réformé pour taille inférieure à 1,55 mètre. La même année, les habitants de Crieulon sont chanceux car Claude Soumiac, cultivateur, fils de Claude et Marie Fromental tire le numéro 43 et Louis Rigal, cultivateur, fils d'Etienne et Marie Soulier, le 47.

                En 1810, Jean Bares, valet de ferme, fils de Pierre et Marie Bastier tire le numéro 19 sur 39. Il s'est plaint de douleurs mais il est déclaré apte.

                Les conscrits de 1810 mettent en avant toute une série d'handicaps pour tenter d'échapper au service. Trois se plaignent de hernies, un se dit poitrinaire, l'autre sourd, un troisième a une "faible constitution, une courte haleine"...

                En fait sur 39 conscrits, huit sont réformés dont cinq pour défaut de taille, un atteint de la teigne et deux présentant des fractures mal soudées. Trois sont placés au dépôt car ils ont un frère sous les drapeaux ou sont fils unique de veuve.

 

                En 1811, Simon Louis Jules Pascal (neveu du général) tire le numéro 24. Il est réformé par le conseil de révision du Lot, le 29 avril 1811, pour ophtalmie chronique incurable. Il est taxé à 1150 francs d'indemnité....

 

                Celui qui a tiré un numéro élevé et qui n'a pas été appelé pour remplacer un réformé ou un déserteur pourrait se croire à l'abri des aléas de la guerre.

                Mais, au moins en 1808, lors de la levée exceptionnelle de 80000 hommes, le canton est taxé de 17 hommes pris 5 sur les conscrits de 1806, 5 sur 1807, 3 sur 1808 et 4 sur 1809.

                Les archives foisonnent de lettres du sous-préfet du Vigan rappelant aux maires leurs devoirs en matière de recrutement militaire et ce jusqu'en 1814, où, en pleine campagne de France, il est précisé que les soldats demandés.. "ne le sont pas pour des conquêtes extérieures mais pour défendre le sol national et nos familles."

 

                Crieulon a fourni les soldats demandés et certains ne sont pas revenus:

                Extrait du registre de l'hôpital militaire d'Erfurt: "Décès d'Henri SOUMIAC, grenadier au 79ème Régiment de ligne, 4ème Bataillon, entré à l'hopital d'Erfurt le 6 mai 1813, décédé le 3 juin 1813 par suite de ses blessures."

                Extrait des registres de l'hopital militaire de Strasbourg: "Le sieur SOUMIAC Etienne, canonnier au 1er Régiment d'artillerie à pied, 28ème compagnie, natif de Crieulon, entré à l'hôpital militaire le 11 décembre 1813 et y est décédé le 26 décembre 1813 par suite des fièvres."

                Cet Etienne Soumiac était né le 1er Brumaire an III (22 octobre 1794) fils de Claude Soumiac et Marie Fromental. Il était donc âgé d'à peine 19 ans.

                Pour Henri Soumiac, il est, en principe, le fils de Jean Soumiac et Madeleine Cabry né en 1790. Car un frère d'Etienne, prénommé aussi Henri était né  en 1792. Il faut souhaiter pour Claude Soumiac, veuf depuis 1806, que la loi prévoyant de ne pas envoyer à la guerre deux frères en même temps était toujours appliquée et qu'il n'a pas perdu  deux fils la même année.

 

                Quelques années plus tard, une autre famille du village est cruellement touchée avec deux fils morts en Algérie pour conforter la conquête de ce territoire qui, un siècle plus tard, demandera encore le sang des fils de France.

                Extrait mortuaire - commune d'Alger - Armée d'Afrique - Hopital militaire du Dey

" Le sieur ASTRUC, Jean Emmanuel, fusillier à la 6ème compagnie du 1er Bataillon du 62ème Régiment d'infanterie de ligne, matricule n° 9952, né le 18/11/1817 à Saint Jean de Crieulon, fils d'Henri Astruc et Marie Verdier, est entré audit hopital le 8 du mois de novembre 1840 et y est décédé le 16 du mois de novembre 1840 par suite de diarrhée chronique à 11 heures du matin...."

                Service des hopitaux militaires - Extrait mortuaire - Commune de Blidah ou Armée d'Afrique - Hopital militaire de Blidah:

" le sieur ASTRUC, François Auguste, chasseur à la première compagnie du troisième Bataillon de Chasseurs d'Orléans, matricule n° 1082, né le 1/07/1820 à Saint Jean de Crieulon, fils de Henri Astruc et Marie Verdier, est entré à l'hopital le 12 septembre 1843 et y est décédé le 19 septembre 1843 à 4 heures du matin par suite de fièvre pernicieuse...."

               

                La grande  saignée dont la France de cette fin de siècle ne s'est toujours pas remise, la Première Guerre Mondiale, restait à venir avec son cortège de gloire, d'abnégation, de souffrances et de douleurs. Saint Jean de Crieulon a aussi fourni son obole de sang avec Gratien SOUCHE, mort au cours de la bataille de la Somme en 1916 comme il appert de cet extrait :

" L'an 1916, le 13 novembre à 17 heures, étant à Maurepas (Somme), acte de décès de Gratien Jean SOUCHE, chasseur de 2ème classe au 7ème Bataillon de Chasseurs à pied, matricule n° 4322, né le 16 mai 1894 à Saint Jean de Crieulon, mort pour la France, tué à l'ennemi à Sailly-Saillisel (Somme), le 12 novembre 1916 à 21 heures, fils de Julia Cécilia Souche, domicilié à Saint Jean de Crieulon (Gard), célibataire......"

 

 

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