Les Siècles des ASTRUC.

Antoine ASTRUC, père.

Le destin tragique d’un meunier trop hospitalier.

 

                L’Intendant de Languedoc, doutant de la sincérité de ces conversions, ordonna, fin 1686, aux curés des paroisses de dresser un état des nouveaux convertis (N.C.) précisant leurs sentiments à l'égard de leur nouvelle religion et la fréquentation des sacrements.

                  Le rapport adressé le 26 janvier 1687 par Maître Joseph Dambieu, prêtre et prieur de Saint Jean de Crieulon, permet de connaître les nouveaux convertis de la paroisse:

                « Jean BOUISSET, Claude AUDOIN (sa femme) :

                                sont bien, le mari a communié et donne le bon exemple.

                Daniel MAZEL, Claude BOISSIERE sa femme, Catherine, Jeanne, Benoît, Claude ses enfants:

                                font très mal,le mary est un obstiné qui tient de méchants discours à dire que dans les trois mois leur religion sera rétablie et que le (lire: du)(N.D.L.R.) témoignage de Boissy  c'est un arrogant très mal intentionné, la femme de même.

                Antoine OLIVIER; Duranc OLIVIER, Jeanne ROQUETTISSE sa femme, Etienne, Jeanne, Claudine :

                                sont été à Monoblet, l'on doute s'ils ont fait abjuration.

                Jean ALARY, sa sœur Pierrette ALARY, Jacques, Marie :

                                ne font pas bien.

                Jacques NOGUIER, Marguerite DUCROS, Jean-Jacques, Antoine, Marguerite :

                                font passablement; est consul.

                Jacques COMBE, Marguerite BOISSIERE sa femme, Marguerite, Françoise, André :

                                font mal et tienne un homme de Nîmes (?) et n'a pas voulu rapporter de certificat de son abjuration.

                Antoine ASTRUC, Marguerite LAYROLLE, Suzanne, Antoine :

                                font mal ; ne viennent jamais à l'église, ni le garçon ; ce sont des raisonneurs.

                ( Cette famille sera rencontrée tout au long de ce récit)

                Antoine DUCROS, Catherine BOISSIERE sa femme, Antoine :

                                font passablement.

                Jacques LEYDIER, Françoise CASTANGUE, Madeleine :

                                font bien.

                Pierre MARIGNAN, Isabeau MOURGUES, Charlotte, Guillaume, Marie, Jeanne, Pierre, Loth :

                                font très mal et dangereux ; abritent des fugitifs de passage ; fait cabaret.

                Jacques LABRIT, Françoise LABRIT :

                                font passablement.

                Jean CAZALY, Anne FARREDE, Gillette, Jean, Anne, Jeanne, Antoine :

                                font bien.

                Pierre BRUGUIER, Jeanne DUCROS, Etienne, Pierre, Antoine, Jeanne, Jean :

                                font assez bien.

                Jean GREFFEUILLE, Jeanne RIEUSSET, Jean, Suzanne, Jeanne, Anne, Marie, Marguerite, Pierre, Antoine :

                                font assez bien.

                Guillaume ROUSSET, Antoinette ROUSSE :

                                font mal et opiniâtres.

                David PUECHAGUT, Marguerite ASTRUC, David, Jeanne :

                                font assez bien.                 «                                                     

                                                                             

                                Ce document est complété par une attestation du consul selon laquelle il n'y a aucun fugitif dans la paroisse.

 

        Après cette lecture, plusieurs commentaires viennent à l'esprit :

                - les conversions n'avaient été ni spontanées ni sincères et certains N.C. espéraient  un retour rapide à la liberté de conscience ; beaucoup de filles ne furent-elles pas baptisées Espérance dans la décennie suivante. Cet espoir et cette attente expliquent pourquoi la plupart des fugitifs ont attendu une ou deux années avant de quitter leurs foyers et pour ceux restés en France leur adhésion massive à la révolte de 1702.

                - les prêtres étaient les auxiliaires zélés du pouvoir temporel. La crainte de perdre la dîme que les protestants rechignaient à payer au curé explique aussi cette attitude à une époque où la vocation sacerdotale n'était certainement pas la motivation principale du recrutement des prêtres.

 

                                Les Archives de l'Intendance de Languedoc, conservées à Montpellier, contiennent les états du même genre concernant toutes les paroisses et surtout celles qui avaient été majoritairement protestantes.

                La charité chrétienne était cependant une vertu pratiquée par certains prieurs. Celui de Cézas et Cambo, après avoir fait un premier rapport aussi sombre que celui de son confrère de Saint Jean de Crieulon s'est, sans doute, rendu compte qu'il attirerait des désagréments supplémentaires à ses paroissiens déjà bien misérables : impôts nouveaux réservés aux N.C. ou logement des troupes....

                Aussi, quelque temps après, fit-il un second rapport exposant que ses ouailles étaient, presque, devenues de bons catholiques apostoliques et romains à l'exception de quelques familles de fugitifs.    

                 Le Dieu des Chrétiens l'a sans doute rangé parmi les Justes malgré son pieux mensonge.  

Malheureusement, une personne qui a étudié ce village, a découvert que le témoignage favorable du prieur avait été acheté car, à cette époque, il s'est rendu acquéreur de beaucoup de terres à un prix sous-évalué.

 

                L'état d'esprit attesté par le document précédent explique que, sitôt les dragons partis, les églises se vident et les N.C. reprennent leur culte interdit et vont écouter les prédicants de passage dans des lieux sauvages à l'écart des villages, ce qui portera plus tard le nom d'Eglise du Désert.

 

                Parmi les prédicants des années qui suivent la révocation deux figures se détachent: Brousson et Vivent.

                Brousson, avocat, était un adepte de la non-violence et après plusieurs allers et retours en Suisse, revint une dernière fois en France où il fut arrêté et exécuté à Montpellier en 1698, suscitant l'admiration des témoins de sa mort.

                Vivent était moins pacifique. Né à Valleraugue, il est régent des écoles (instituteur) et, dès 1684, commence à prêcher parcourant les Cevennes et le Vivarais pour répandre la Parole. En 1688, il part en Suisse mais en revient dès juillet 1689 refusant la sécurité du Refuge. Cet homme exalté pour qui l'église romaine est la "tanière des démons, le repaire des oiseaux répugnants" va, à nouveau, parcourir les Cevennes. Finalement, traqué, aux abois, il est cerné et abattu dans une grotte des environs de Carnoules le 19 février 1692 non sans s'être défendu. Il sera vengé dix ans plus tard par les camisards.

                L'outrance n'est pas unilatérale et dans la "Relation historique de la Révolte des fanatiques ou Camisards" Vivent est décrit en ces termes : il "était un misérable de la lie du peuple, qui savait à peine lire, son audace lui tenait lieu de mérite. Pour se délasser de ses travaux apostoliques, il avait deux ou trois maîtresses qui le suivaient partout.....".

                  Parmi les courageux qui hébergèrent Vivent, il y avait Antoine ASTRUC, le meunier de Beaucous, le raisonneur cité en 1687. Courageux il fallait l'être car les contrevenants risquaient les galères à perpétuité et le rasement de leur maison. C'est parce qu'il fut condamné qu'Antoine Astruc est sorti de l'anonymat pour entrer dans le martyrologe protestant et que son nom figure sur les tableaux du Musée du Désert.

                Comment et par qui fut-il dénoncé, alors que Beaucous se trouve à l'écart du grand chemin d'Anduze à Sommières? Les moyens d'investigation étaient plus "musclés" à l'époque ou l'utilisation de "repentis" permettait d'obtenir des résultats.

                Moins d'un mois après la mort tragique de Vivent, une Ordonnance prise par le Comte de Broglie, Lieutenant Général des armées du roi stipule :

                " Vu par nous les ordres à nous adressés, ensemble les Ordonnances du Roi du mois de mars et octobre 1689, portant entre autres choses que ceux que l'on saura avoir assisté aux assemblées ou qui auront donné retraite aux prédicants et à leur complices, seront sans autre forme de procès envoyés aux galères à perpétuité, et leurs maisons abattues et rasées jusqu'aux fondements; procédures criminelles faites par le Sieur DAUDE, juge au Vigan(*), contre les nommés......Antoine Astruc de Villesèque (paroisse de Saint Jean de Crieulon)...(**)...; interrogatoires prétés par les susnommés les 7 et 9 du présent mois de mars, cahier de recollement des témoins du 7 du présent mois, cahier de confrontation faites aux dits accusés des 8 et 10 du présent mois aprés les avoir entendu sur les cas résultant des dites procédures;

                Nous, conformèment aux ordres à nous adressés et ordonnances du roi, déclarons les dits:

                Jean Puech, Louis Cappelier, Jean Martin, Antoine Astruc, Pierre Pouget, Jean de Falguerolles, Jean Severac, Pierre Alibert, Etienne et Pierre Garnier frères, Jacques Puchmary, Pierre Roque, Jean Barrefort, Jacques Theron, Daniel Servel, Pierre et Jean Mallier frères et Pierre Dalgues,

                dûment atteints et convaincus d'avoir donné retraite au nommé Vivent et autres prédicants et leurs complices et assisté à leurs assemblées; pour réparation de quoi nous les condamnons à servir le Roi, comme forçats à perpétuité dans les galères; déclarons tous et chacun de leurs biens acquis et confisqués à sa Majesté; ordonnons en outre que ......., la maison qui joint le moulin de Beaucous (paroisse de Saint Jean de Crieulon),....(***).., dans lesquels le dit Vivent et ses complices ont été reçus, seront abattus et rasés jusques aux fondements.

                Et sera, la présente ordonnance, exécutée nonobstant toutes oppositions et autres empèchements quelconques et sans y déférer.

                                               Fait à Montpellier, le 13 mars 1692  "

(*) Il sera assassiné par les camisards le 5 juin 1704 dans le jardin de son chateau de La Valette.

(**) 17 personnes des paroisses de Vabres, Soudorgues, Saint Martin de Corconac, Colognac, Monoblet (2), Saint André de Majencoules, Cros, Le Vigan (4), Mandagout, Thoiras, Saint Félix de Pallières et Lasalle; des fermiers, des cardeurs, un meunier, un aristocrate.....

(***) ainsi que sept métairies et le château de Rouville (paroisse de Saint Jean de Gardonnenque).

 

                A cette époque, les mots avaient leur poids et les derniers mots de l'ordonnance ont été suivis à la lettre.

               

                En effet, condamnés à Montpellier le 13 mars, les forçats étaient le 20 mars inscrits sur le registre d'écrou des galères à Marseille.

                Conduite par Hercule Manille, archer, la chaîne de Montpellier n'a pas musardé en chemin. Les forçats portant des colliers de fer, liés deux à deux par une courte chaîne et une longue chaîne reliant tous ces couples, devaient marcher, s'asseoir, se coucher aux étapes d'un même mouvement. La moyenne journalière habituelle était de trois à quatre lieues ; Antoine Astruc et ses compagnons ont parcouru les 150 kilomètres en six ou sept jours soit environ six lieues de moyenne journalière.

                 On peut penser que la foi soutenait ces forçats et que peut-être même  chantaient-ils des psaumes pour s'encourager les uns les autres jusqu'à ce qu'un membre de l'escorte n'interrompe brutalement cet exercice.

                Ainsi, le 20 mars 1692, Antoine Astruc arrive à l'Arsenal des galères à Marseille ; le registre d'écrou porte :

 

                                                               "N° 14 276  Antoine ASTRUC

fils de Jean Astruc et Suzanne Rousselle, mary de Marguerite Lairolle, faiseur de cadres, natif de Vilasèque, paroisse de Saint Jean de Crieulon dans les Sévennes, diocèze de Nismes, agé de 60 ans, bonne taille, cheveux chatains, visage ovale, condamné par jugement de M. de Broglie du 13 mars 1692

                                                                                                                                                                                              à vie."

 

                Il a servi sur la galère " La Souveraine " puis, quand son âge lui a interdit de ramer, sur la "Vieille Réale" où étaient regroupés les éclopés et les néophytes. Finalement, il décéda le 26 août 1704 à l'hôpital des galères; il avait alors 72 ans.

                                Des dix huit personnes condamnées ce 13 mars 1692, Antoine Astruc était le plus âgé, le plus jeune n'ayant que 18 ans (Jean Martin).

                                Sur ces 18 forçats :

                - neuf sont morts à l'hôpital des galères dont un à peine un mois après son arrivée à Marseille.

                - un est mort en campagne sur la galère "L'Invincible" dans la rade de Toulon le 30 juillet 1694.

                - cinq ont été libérés en 1713-1714 sur intercession de la reine d'Angleterre et à condition de quitter le royaume ; ils ont émigré en Suisse.

                - trois ont été libérés assez rapidement ; peut-être après abjuration.

                Et si cela était, qui pourrait avoir le droit de les juger car, outre, la privation de liberté, la pénibilité des tâches et la brutalité des argousins, ces hommes qui souffraient pour leur foi étaient mélangés à la pire engeance du royaume dont ils étaient souvent les victimes.

   

ANTOINE ASTRUC , fils.

Un meunier accueillant mais prudent.

                  Lorsque son père est condamné aux galères, son fils Antoine est âgé de 22 ans. Il est né le 30 mars 1670 et a été baptisé dans la religion protestante au temple de Durfort présenté par Jacques Dortoux, un oncle par alliance, habitant le moulin de Vallongue déjà mentionné plus haut,  et par Jeanne Rousselle, une de ses tantes.

                Aprés avoir reconstruit la maison familiale, il décida de fonder une famille et, le 23 mars 1696, le prieur de Saint Jean de Crieulon bénissait l'union d'Antoine Astruc, fils d'Antoine et Marguerite Lairolle du lieu de Villesèque, avec honorable fille Marie Greffeuille , fille de Jean et Marguerite Lieumasse résidant au chateau de la Rouvière, paroisse de Caumiac.

                Ils eurent cinq enfants, au minimum, car l'état civil de la paroisse comporte, à cette époque, de nombreuses lacunes :

                - Antoine né en 1696 deux mois après le mariage de ses parents qui avaient, sans doute, répugné à faire bénir leur union par l'église romaine !

                - Jean né vers 1697 qui fera souche à Villesèque,

                - Marguerite née en 1708,

                - Antoine né en 1711 ; il n'est pas certain que son frère ainé, Antoine, soit déjà mort ; cet acte de baptême est le premier acte signé par le nouveau prieur de Saint Jean de Crieulon Pierre de Claris-Florian dont le curieux destin sera évoqué plus loin.

                - Marguerite née en 1717 qui épousera Etienne Bare de Durfort où elle décèdera le 18 juin 1788 âgée de 71 ans.

 

                Bien qu'il eût déjà plusieurs enfants, la révolte des Camisards ne pouvait pas laisser Antoine Astruc indifférent alors que son père, en 1702, était aux galères depuis déjà dix ans.

                Fut-il membre de l'une de ces bandes qui parcouraient le pays pour brûler les églises, assassiner les prêtres, les catholiques anciens et les nouveaux, pas assez tièdes à leur goût ?

                Etait-il de ceux qui, dans la nuit du 5 au 6 octobre 1702 après avoir pillé l'église de Saint Martin de Sossenac et menacé le prieur, vinrent à... "Villesèque, sur le grand chemin qui va d'Anduze à Montpellier, désarmer huit ou dix bourgeois (au sens étymologique = habitant du bourg), si bien que dans cette nuit, ils ont enlevé vingt fusils et quelques paires de pistolés." Puis cette troupe alla à Bagards pour venger Vivent en assassinant M. Jourdan qui, dix ans auparavant, l'avait tué aux grottes de Carnoules. Poursuivant son chemin vers le nord, la même bande alla  incendier une grange (appartenant à un des ancêtres de l'auteur de cet aperçu) dans la région de Lamelouze. C'était de bons marcheurs que ces "phanatiques" et l'on comprend mieux les difficultés éprouvées par les troupes royales pour les atteindre !

                Ce soir du dimanche 7 janvier 1703, était-il avec ceux qui, à Villesèque, arrêtèrent un archer à cheval que M. de Broglie envoyait en toute diligence à M. l'Intendant, avec beaucoup de lettres pour lui et même pour la Cour ? Cet archer fut blessé, dépouillé de ses armes, de ses missives et de ses vêtements et ne dut la vie sauve qu'à l'aveu d'être un nouveau converti.

                Dans la nuit du jeudi 25 au vendredi 26 janvier 1703, tenait-il la torche pour le brûlement des églises de Logrian et de Comiac?

                Toujours est-il qu'il est couché sur l'état des camisards qui se sont rendus à M. de la Haye, gouverneur de Saint-Hippolyte, en 1704.

 

                L'arrestation ou la reddition des principaux chefs des camisards entraîna la fin des combats. Cependant quelques obstinés voulaient poursuivre la lutte et parmi ceux-ci, Jacques Bonbonnoux originaire de Bragassargues, nous a laissé des Mémoires dans lesquelles, bien des années plus tard, il compte ses combats, ses espoirs pendant toute cette période.

                Après la tentative d'attentat contre Basville à Montpellier, en avril 1705, Bonbonnoux revient vers une région qu'il connaît bien ; mais les troupes sont partout et il ne doit son salut qu'à des fidèles qui le cacheront. Il devait mourir à Lausanne en 1755 âgé de 82 ans après avoir lutté jusqu'en 1710, puis avoir été pasteur du Désert jusqu'en 1730 environ.

                  Voici un extrait des Mémoires de Bonbonnoux concernant Antoine Astruc :

                "Le fidèle qu'on avait eu la bonté de m'indiquer et que je n'avais jamais connu, me reçut d'abord avec assez de froideur. Non seulement il ne me dit pas qu'il avait une cache en cas de besoin, mais.....il ne m'offrit pas de la paille pour coucher, et il me vit passer tranquillement la nuit sur un coffre. Cependant je dois dire à sa louange que c'est un de ceux qui m'a le plus assisté depuis lors dans mes tribulations, et qui fut d'un grand secours surtout à Claris (*), le logeant chez lui les trois mois de suite dans un temps que les détachements lui faisaient souvent plus d'une visite par jour. Il m'offrit la même faveur, et je demeurai dans cette occasion chez lui l'espace de trois semaines.. Il était ferme, courageux, il avait une femme qui ne démentait pas ce caractère.......Quel trésor qu'un tel homme, dans les épreuves semblables à celles que la Providence m'appelé ! Mais quel dommage qu'il fût pauvre !......".

                (*) Pierre Claris ou Clary de Quissac, maçon ou plâtrier ; inspiré, c'est lui qui a souffert l'épreuve du feu. Camisard jusqu'en 1710, pris le 14 octobre et interrogé à Montpellier, il fut condamné, le 25, à être rompu vif après avoir subi la question. En raison de ses blessures, il ne fut pas questionné mais le jugement fut exécuté le jour même.

   

LES AUTRES ASTRUC

Des attitudes à l'égard de la religion officielle.

                 Ce n'est pas la présence d'un prieur éclairé qui va détourner, durablement, les huguenots de leur foi et, plus ou moins discrètement, leurs enfants seront instruits de la Bible.

                L'étude des registres paroissiaux montre que, si certains vont à l'église pour leur mariage ou le baptême de leurs enfants, c'est uniquement pour légaliser leur union et donner une existence légale aux enfants. Les décès sont à peine mentionnés, car non liés à un sacrement ; il s'agit d'un simple ensevelissement sans la présence du pasteur et noté ensuite dans le registre paroissial.

                A titre d'exemple en voici un, relevé dans le registre de Durfort :

                "Marguerite Astruc, âgée de 60 ans ou environ, soeur d'Antoine Astruc du Moulin de Beaucous paroisse de Saint Jean de Crieulon, est décédée le 28 août 1683 et a été ensevelie dans le cimetière de ceux de notre religion de ladite paroisse de Saint Jean et ont assisté à la sépulture Jacques Noguier fils d'autre (Jacques Noguier), Jacques Deydier maréchal et André Combes fils de Jacques, tous habitants de Villesèque."

                Il apparaît donc qu'avant 1685, les protestants disposaient à Saint Jean de Crieulon de leur propre cimetière car il était hors de question de les enterrer en terre chrétienne (catholique). Ensuite, ils seront enterrés dans leur jardin, leur vigne ou leur champ, ce qui explique les nombreuses tombes dispersées sur le territoire de la commune.

 

                On a déjà rencontré, en 1696, le mariage d'Antoine Astruc avec Marie Greffeuille alors que son père est aux galères depuis quatre ans pour fait de religion et que certains galériens de la foi préfèrent encourir cent coups de bâton plutôt que de lever leur bonnet quand la messe est dite à la poupe de leur galère !

                Jean, fils d'Antoine, épouse le 5 mars 1726 en l'église de Durfort Jeanne Valles fille d'Antoine et Marie Roquette,...ladite Jeanne Valles ayant fait abjuration à notre messe de paroisse le 10 février....Leurs enfants seront baptisés dans l'église de Saint Jean de Crieulon entre 1727 et 1740. Contrairement à l'usage du temps, Antoine Astruc, bien qu'assistant aux baptêmes, n'est parrain d'aucun de ses petits enfants. C'est la preuve d'une grande honnêteté intellectuelle en raison du rôle spirituel imparti au parrain.

                Parmi les enfants de Jean Astruc et de Jeanne Valles, Jean II, né et baptisé en 1731, adopta une autre attitude rendue possible par un certain relâchement dans les mesures de coercition à l'égard des protestants.

 

                En effet, dans les registres paroissiaux de Saint Jean de Crieulon on trouve, en date du 12 octobre 1788, et en application de l'Edit de Tolérance donné par Louis XVI en novembre 1787, la régularisation de son mariage et celle de la naissance de ses enfants par le prieur, en sa qualité d'officier d'état civil:

                " Devant nous se sont présentés Jean Astruc, fils d'autre et de feue Jeanne Valles, habitant Villesèque, et Marie Gascuel, fille de feu Pierre, jardinier, et de Marie Desplantiers de la ville d'Anduze.....union reçue par Me Fontane, notaire de ladite ville, le 26 octobre 1771... d'où les naissances de Jean (1772), Henry (1775), Jeanne (1777), Marie (1782),...."

                Un fils Antoine, né en 1778, était décédé en 1781.

                Les deux filles ont fait souche à Anduze où vivent encore certains de leurs descendants (connus de l'auteur de ces lignes).

                Henry fera souche à Villesèque et nous reparlerons des Astruc.

                En cette fin du XVIII ème siècle de nombreux protestants de cœur adoptaient cette attitude ne voulant faire bénir leur union à l'église et se contentant de passer un contrat devant notaire en précisant souvent qu'ils étaient prêts à aller à l'église à la première injonction... qui n'était jamais faite puisque les deux conjoints étaient protestants !

                En regard des lois en vigueur, ils étaient considérés comme vivant en concubinage et leurs enfants des bâtards, toutes choses qui n'étaient guère à la mode au XVIII ème siècle contrairement à notre fin de XX ème siècle. Aussi cette attitude ne pouvait-elle être supportable que dans une région de tradition protestante.

 

                Dans les registres de Lézan on trouve plus de cinquante régularisations dont, au moins une, présentée par une veuve sans enfants dont le mari est décédé depuis plus de dix ans. Dans ce cas, la régularisation semble bien avoir pour but de retrouver, aux yeux de tous, l' honorabilité.

                  En ces années 1788 et 1789 seront également régularisées, à Saint Jean de Crieulon, les unions de Laurent Cledon avec Louise Genoyer datant de 1770 d'où quatre enfants, celle de  Louis Rigal avec Marie Soumiac datant de 1779 avec deux enfants, celle de Louis Rivet (qui n'est pas encore: de Sabatier) avec Jeanne Chabaud fille du Sieur de Perdiguier datant de 1790 !!  

 

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