Les
Siècles des ASTRUC.
Antoine
ASTRUC, père.
Le
destin tragique d’un meunier trop hospitalier.
L’Intendant de Languedoc, doutant de la sincérité de ces conversions,
ordonna, fin 1686, aux curés des paroisses de dresser un état des nouveaux
convertis (N.C.) précisant leurs sentiments à l'égard de leur nouvelle
religion et la fréquentation des sacrements.
« Jean BOUISSET, Claude AUDOIN (sa femme) :
sont bien, le mari a communié et donne le bon exemple.
Daniel MAZEL, Claude BOISSIERE sa femme, Catherine, Jeanne, Benoît,
Claude ses enfants:
font très mal,le mary est un obstiné qui tient de méchants discours
à dire que dans les trois mois leur religion sera rétablie et que le (lire:
du)(N.D.L.R.) témoignage de Boissy c'est
un arrogant très mal intentionné, la femme de même.
Antoine OLIVIER; Duranc OLIVIER, Jeanne ROQUETTISSE sa femme, Etienne,
Jeanne, Claudine :
sont été à Monoblet, l'on doute s'ils ont fait abjuration.
Jean ALARY, sa sœur Pierrette ALARY, Jacques, Marie :
ne font pas bien.
Jacques NOGUIER, Marguerite DUCROS, Jean-Jacques, Antoine, Marguerite :
font passablement; est consul.
Jacques COMBE, Marguerite BOISSIERE sa femme, Marguerite, Françoise,
André :
font mal et tienne un homme de Nîmes (?) et n'a pas voulu rapporter de
certificat de son abjuration.
Antoine ASTRUC, Marguerite LAYROLLE, Suzanne, Antoine :
font mal ; ne viennent jamais à l'église, ni le garçon ; ce sont des
raisonneurs.
( Cette famille sera rencontrée tout au long de ce récit)
Antoine DUCROS, Catherine BOISSIERE sa femme, Antoine :
font passablement.
Jacques LEYDIER, Françoise CASTANGUE, Madeleine :
font bien.
Pierre MARIGNAN, Isabeau MOURGUES, Charlotte, Guillaume, Marie, Jeanne,
Pierre, Loth :
font très mal et dangereux ; abritent des fugitifs de passage
; fait
cabaret.
Jacques LABRIT, Françoise LABRIT :
font passablement.
Jean CAZALY, Anne FARREDE, Gillette, Jean, Anne, Jeanne, Antoine :
font bien.
Pierre BRUGUIER, Jeanne DUCROS, Etienne, Pierre, Antoine, Jeanne, Jean :
font assez bien.
Jean GREFFEUILLE, Jeanne RIEUSSET, Jean, Suzanne, Jeanne, Anne, Marie,
Marguerite, Pierre, Antoine :
font assez bien.
Guillaume ROUSSET, Antoinette ROUSSE :
font mal et
opiniâtres.
David PUECHAGUT, Marguerite ASTRUC, David, Jeanne :
font assez bien.
«
Ce document est complété par une attestation du consul selon laquelle
il n'y a aucun fugitif dans la paroisse.
Après cette lecture, plusieurs commentaires viennent à l'esprit :
- les conversions n'avaient été ni spontanées ni sincères et certains
N.C. espéraient un retour rapide
à la liberté de conscience ; beaucoup de filles ne furent-elles pas baptisées
Espérance dans la décennie suivante. Cet espoir et cette attente expliquent
pourquoi la plupart des fugitifs ont attendu une ou deux années avant de
quitter leurs foyers et pour ceux restés en France leur adhésion massive à la
révolte de 1702.
- les prêtres étaient les auxiliaires zélés du pouvoir temporel. La
crainte de perdre la dîme que les protestants rechignaient à payer au curé
explique aussi cette attitude à une époque où la vocation sacerdotale n'était
certainement pas la motivation principale du recrutement des prêtres.
Les Archives de l'Intendance de Languedoc, conservées à Montpellier,
contiennent les états du même genre concernant toutes les paroisses et surtout
celles qui avaient été majoritairement protestantes.
La charité chrétienne était cependant une vertu pratiquée par
certains prieurs. Celui de Cézas et Cambo, après avoir fait un premier rapport
aussi sombre que celui de son confrère de Saint Jean de Crieulon s'est, sans
doute, rendu compte qu'il attirerait des désagréments supplémentaires à ses
paroissiens déjà bien misérables : impôts nouveaux réservés aux N.C. ou
logement des troupes....
Aussi, quelque temps après, fit-il un second rapport exposant que ses
ouailles étaient, presque, devenues de bons catholiques apostoliques et romains
à l'exception de quelques familles de fugitifs.
Le Dieu des Chrétiens l'a
sans doute rangé parmi les Justes malgré son pieux mensonge.
Malheureusement, une personne qui a étudié ce village, a découvert que le témoignage favorable du prieur avait été acheté car, à cette époque, il s'est rendu acquéreur de beaucoup de terres à un prix sous-évalué.
L'état d'esprit attesté par le document précédent explique que, sitôt
les dragons partis, les églises se vident et les N.C. reprennent leur culte
interdit et vont écouter les prédicants de passage dans des lieux sauvages à
l'écart des villages, ce qui portera plus tard le nom d'Eglise du Désert.
Parmi les prédicants des années qui suivent la révocation deux figures
se détachent: Brousson et Vivent.
Brousson, avocat, était un adepte de la non-violence et après plusieurs
allers et retours en Suisse, revint une dernière fois en France où il fut arrêté
et exécuté à Montpellier en 1698, suscitant l'admiration des témoins de sa
mort.
Vivent était moins pacifique. Né à Valleraugue, il est régent des écoles
(instituteur) et, dès 1684, commence à prêcher parcourant les Cevennes et le
Vivarais pour répandre la Parole. En 1688, il part en Suisse mais en revient dès
juillet 1689 refusant la sécurité du Refuge. Cet homme exalté pour qui l'église
romaine est la "tanière des démons, le repaire des oiseaux répugnants"
va, à nouveau, parcourir les Cevennes. Finalement, traqué, aux abois, il est
cerné et abattu dans une grotte des environs de Carnoules le 19 février 1692
non sans s'être défendu. Il sera vengé dix ans plus tard par les camisards.
L'outrance n'est pas unilatérale et dans la "Relation historique de
la Révolte des fanatiques ou Camisards" Vivent est décrit en ces termes :
il "était un misérable de la lie du peuple, qui savait à peine lire, son
audace lui tenait lieu de mérite. Pour se délasser de ses travaux
apostoliques, il avait deux ou trois maîtresses qui le suivaient
partout.....".
Comment et par qui fut-il dénoncé, alors que Beaucous se trouve à l'écart
du grand chemin d'Anduze à Sommières? Les moyens d'investigation étaient plus
"musclés" à l'époque ou l'utilisation de "repentis"
permettait d'obtenir des résultats.
Moins d'un mois après la mort tragique de Vivent, une Ordonnance prise
par le Comte de Broglie, Lieutenant Général des armées du roi stipule :
" Vu par nous les ordres à
nous adressés, ensemble les Ordonnances du Roi du mois de mars et octobre 1689,
portant entre autres choses que ceux que l'on saura avoir assisté aux assemblées
ou qui auront donné retraite aux prédicants et à leur complices, seront sans
autre forme de procès envoyés aux galères à perpétuité, et leurs maisons
abattues et rasées jusqu'aux fondements; procédures criminelles faites par le
Sieur DAUDE, juge au Vigan(*), contre les nommés......Antoine Astruc de
Villesèque (paroisse de Saint Jean de Crieulon)...(**)...; interrogatoires
prétés par les susnommés les 7 et 9 du présent mois de mars, cahier de
recollement des témoins du 7 du présent mois, cahier de confrontation faites
aux dits accusés des 8 et 10 du présent mois aprés les avoir entendu sur les
cas résultant des dites procédures;
Nous, conformèment aux ordres à
nous adressés et ordonnances du roi, déclarons les dits:
Jean Puech, Louis Cappelier, Jean Martin, Antoine Astruc, Pierre Pouget,
Jean de Falguerolles, Jean Severac, Pierre Alibert, Etienne et Pierre Garnier frères,
Jacques Puchmary, Pierre Roque, Jean Barrefort, Jacques Theron, Daniel Servel,
Pierre et Jean Mallier frères et Pierre Dalgues,
dûment atteints et convaincus
d'avoir donné retraite au nommé Vivent et autres prédicants et leurs
complices et assisté à leurs assemblées; pour réparation de quoi nous les
condamnons à servir le Roi, comme forçats à perpétuité dans les galères; déclarons
tous et chacun de leurs biens acquis et confisqués à sa Majesté; ordonnons en
outre que ......., la maison qui joint le moulin de Beaucous (paroisse de
Saint Jean de Crieulon),....(***).., dans
lesquels le dit Vivent et ses complices ont été reçus, seront abattus et rasés
jusques aux fondements.
Et sera, la présente ordonnance,
exécutée nonobstant toutes oppositions et autres empèchements quelconques et
sans y déférer.
Fait à Montpellier, le 13 mars 1692
"
(*) Il sera assassiné par les camisards le 5 juin 1704 dans
le jardin de son chateau de La Valette.
(**) 17 personnes des paroisses de Vabres, Soudorgues, Saint
Martin de Corconac, Colognac, Monoblet (2), Saint André de Majencoules, Cros,
Le Vigan (4), Mandagout, Thoiras, Saint Félix de Pallières et Lasalle; des
fermiers, des cardeurs, un meunier, un aristocrate.....
(***) ainsi que sept métairies et le château de Rouville
(paroisse de Saint Jean de Gardonnenque).
A cette époque, les mots avaient leur poids et les derniers mots de
l'ordonnance ont été suivis à la lettre.
En effet, condamnés à Montpellier le 13 mars, les forçats étaient le
20 mars inscrits sur le registre d'écrou des galères à Marseille.
Conduite par Hercule Manille, archer, la chaîne de Montpellier n'a pas
musardé en chemin. Les forçats portant des colliers de fer, liés deux à deux
par une courte chaîne et une longue chaîne reliant tous ces couples, devaient
marcher, s'asseoir, se coucher aux étapes d'un même mouvement. La moyenne
journalière habituelle était de trois à quatre lieues ; Antoine Astruc et ses
compagnons ont parcouru les 150 kilomètres en six ou sept jours soit environ
six lieues de moyenne journalière.
On peut penser que la foi
soutenait ces forçats et que peut-être même
chantaient-ils des psaumes pour s'encourager les uns les autres jusqu'à
ce qu'un membre de l'escorte n'interrompe brutalement cet exercice.
Ainsi, le 20 mars 1692, Antoine Astruc arrive à l'Arsenal des galères
à Marseille ; le registre d'écrou porte :
"N° 14 276 Antoine
ASTRUC
fils
de Jean Astruc et Suzanne Rousselle, mary de Marguerite Lairolle, faiseur de
cadres, natif de Vilasèque, paroisse de Saint Jean de Crieulon dans les Sévennes,
diocèze de Nismes, agé de 60 ans, bonne taille, cheveux chatains, visage
ovale, condamné par jugement de M. de
Broglie du 13 mars 1692
Il a servi sur la galère " La Souveraine " puis, quand son âge
lui a interdit de ramer, sur la "Vieille Réale" où étaient
regroupés les éclopés et les néophytes. Finalement, il décéda le 26 août
1704 à l'hôpital des galères; il avait alors 72 ans.
Des dix huit personnes condamnées ce 13 mars 1692, Antoine Astruc était
le plus âgé, le plus jeune n'ayant que 18 ans (Jean Martin).
Sur ces 18 forçats :
- neuf sont morts à l'hôpital des galères dont un à peine un mois après
son arrivée à Marseille.
- un est mort en campagne sur la galère "L'Invincible" dans
la rade de Toulon le 30 juillet 1694.
- cinq ont été libérés en 1713-1714 sur intercession de la reine
d'Angleterre et à condition de quitter le royaume ; ils ont émigré en Suisse.
- trois ont été libérés assez rapidement ; peut-être après
abjuration.
Et si cela était, qui pourrait avoir le droit de les juger car, outre,
la privation de liberté, la pénibilité des tâches et la brutalité des
argousins, ces hommes qui souffraient pour leur foi étaient mélangés à la
pire engeance du royaume dont ils étaient souvent les victimes.
ANTOINE
ASTRUC , fils.
Un
meunier accueillant mais prudent.
Aprés avoir reconstruit la maison familiale, il décida de fonder une
famille et, le 23 mars 1696, le prieur de Saint Jean de Crieulon bénissait
l'union d'Antoine Astruc, fils d'Antoine et Marguerite Lairolle du lieu de
Villesèque, avec honorable fille Marie Greffeuille , fille de Jean et
Marguerite Lieumasse résidant au chateau de la Rouvière, paroisse de Caumiac.
Ils eurent cinq enfants, au minimum, car l'état civil de la paroisse
comporte, à cette époque, de nombreuses lacunes :
- Antoine né en 1696 deux mois après le mariage de ses parents qui
avaient, sans doute, répugné à faire bénir leur union par l'église romaine
!
- Jean né vers 1697 qui fera souche à Villesèque,
- Marguerite née en 1708,
- Antoine né en 1711 ; il n'est pas certain que son frère ainé,
Antoine, soit déjà mort ; cet acte de baptême est le premier acte signé par
le nouveau prieur de Saint Jean de Crieulon Pierre de Claris-Florian dont le
curieux destin sera évoqué plus loin.
- Marguerite née en 1717 qui épousera Etienne Bare de Durfort où elle
décèdera le 18 juin 1788 âgée de 71 ans.
Bien qu'il eût déjà plusieurs enfants, la révolte des Camisards ne
pouvait pas laisser Antoine Astruc indifférent alors que son père, en 1702, était
aux galères depuis déjà dix ans.
Fut-il membre de l'une de ces bandes qui parcouraient le pays pour brûler
les églises, assassiner les prêtres, les catholiques anciens et les nouveaux, pas assez tièdes à leur goût ?
Etait-il de ceux qui, dans la nuit du 5 au 6 octobre 1702 après avoir
pillé l'église de Saint Martin de Sossenac et menacé le prieur, vinrent à...
"Villesèque, sur le grand chemin qui va d'Anduze à Montpellier, désarmer
huit ou dix bourgeois (au sens étymologique = habitant du bourg), si bien que
dans cette nuit, ils ont enlevé vingt fusils et quelques paires de pistolés."
Puis cette troupe alla à Bagards pour venger Vivent en assassinant M. Jourdan
qui, dix ans auparavant, l'avait tué aux grottes de Carnoules. Poursuivant son
chemin vers le nord, la même bande alla incendier
une grange (appartenant à un des ancêtres de l'auteur de cet aperçu) dans la
région de Lamelouze. C'était de bons marcheurs que ces "phanatiques"
et l'on comprend mieux les difficultés éprouvées par les troupes royales pour
les atteindre !
Ce soir du dimanche 7 janvier 1703, était-il avec ceux qui, à
Villesèque, arrêtèrent un archer à cheval que M. de Broglie envoyait en toute diligence
à M. l'Intendant, avec beaucoup de lettres pour lui et même pour la Cour ? Cet
archer fut blessé, dépouillé de ses armes, de ses missives et de ses vêtements
et ne dut la vie sauve qu'à l'aveu d'être un nouveau converti.
Dans la nuit du jeudi 25 au vendredi 26 janvier 1703, tenait-il la torche
pour le brûlement des églises de Logrian et de Comiac?
Toujours est-il qu'il est couché sur l'état des camisards qui se sont
rendus à M. de la Haye, gouverneur de Saint-Hippolyte, en 1704.
L'arrestation ou la reddition des principaux chefs des camisards entraîna
la fin des combats. Cependant quelques obstinés voulaient poursuivre la lutte
et parmi ceux-ci, Jacques Bonbonnoux originaire de Bragassargues, nous a laissé
des Mémoires dans lesquelles, bien des années plus tard, il compte ses
combats, ses espoirs pendant toute cette période.
Après la tentative d'attentat contre Basville à Montpellier, en avril
1705, Bonbonnoux revient vers une région qu'il connaît bien ; mais les troupes
sont partout et il ne doit son salut qu'à des fidèles qui le cacheront. Il
devait mourir à Lausanne en 1755 âgé de 82 ans après avoir lutté jusqu'en
1710, puis avoir été pasteur du Désert jusqu'en 1730 environ.
"Le fidèle qu'on avait eu la
bonté de m'indiquer et que je n'avais jamais connu, me reçut d'abord avec
assez de froideur. Non seulement il ne
me dit pas qu'il avait une cache en cas de besoin, mais.....il ne m'offrit pas
de la paille pour coucher, et il me vit passer tranquillement la nuit sur un
coffre. Cependant je dois dire à sa louange que c'est un de ceux qui m'a le
plus assisté depuis lors dans mes tribulations, et qui fut d'un grand secours
surtout à Claris (*), le logeant chez lui les trois mois de suite dans un temps
que les détachements lui faisaient souvent plus d'une visite par jour. Il
m'offrit la même faveur, et je demeurai dans cette occasion chez lui l'espace
de trois semaines..
Il était ferme, courageux, il avait une femme qui ne démentait
pas ce caractère.......Quel trésor qu'un tel homme, dans les épreuves
semblables à celles que la Providence m'appelé ! Mais
quel dommage qu'il fût pauvre !......".
(*) Pierre Claris ou Clary de Quissac, maçon ou plâtrier ; inspiré,
c'est lui qui a souffert l'épreuve du feu. Camisard jusqu'en 1710, pris le 14
octobre et interrogé à Montpellier, il fut condamné, le 25, à être rompu vif
après avoir subi la question. En raison de ses blessures, il ne fut pas
questionné mais le jugement fut exécuté le jour même.
LES
AUTRES ASTRUC
Des
attitudes à l'égard de la religion officielle.
Ce n'est pas la présence d'un prieur éclairé qui va détourner,
durablement, les huguenots de leur foi et, plus ou moins discrètement, leurs
enfants seront instruits de la Bible.
L'étude des registres paroissiaux montre que, si certains vont à l'église
pour leur mariage ou le baptême de leurs enfants, c'est uniquement pour légaliser
leur union et donner une existence légale aux enfants. Les décès sont à
peine mentionnés, car non liés à un sacrement ; il s'agit d'un simple
ensevelissement sans la présence du pasteur et noté ensuite dans le registre
paroissial.
A titre d'exemple en voici un, relevé dans le registre de Durfort :
"Marguerite Astruc, âgée de
60 ans ou environ, soeur d'Antoine Astruc du Moulin de Beaucous paroisse de
Saint Jean de Crieulon, est décédée le 28 août 1683 et a été ensevelie
dans le cimetière de ceux de notre religion de ladite paroisse de Saint Jean et
ont assisté à la sépulture Jacques Noguier fils d'autre (Jacques Noguier),
Jacques Deydier maréchal et André Combes fils de Jacques, tous habitants de
Villesèque."
Il apparaît donc qu'avant 1685, les protestants disposaient à Saint Jean
de Crieulon de leur propre cimetière car il était hors de question de les
enterrer en terre chrétienne (catholique). Ensuite, ils seront enterrés dans
leur jardin, leur vigne ou leur champ, ce qui explique les nombreuses tombes
dispersées sur le territoire de la commune.
On a déjà rencontré, en 1696, le mariage d'Antoine Astruc avec Marie
Greffeuille alors que son père est aux galères depuis quatre ans pour fait de
religion et que certains galériens de la foi préfèrent encourir cent coups de
bâton plutôt que de lever leur bonnet quand la messe est dite à la poupe de
leur galère !
Jean, fils d'Antoine, épouse le 5 mars 1726 en l'église de Durfort
Jeanne Valles fille d'Antoine et Marie Roquette,...ladite
Jeanne Valles ayant fait abjuration à notre messe de paroisse le 10 février....Leurs
enfants seront baptisés dans l'église de Saint Jean de Crieulon entre 1727 et
1740. Contrairement à l'usage du temps, Antoine Astruc, bien qu'assistant aux
baptêmes, n'est parrain d'aucun de ses petits enfants. C'est la preuve d'une
grande honnêteté intellectuelle en raison du rôle spirituel imparti au
parrain.
Parmi les enfants de Jean Astruc et de Jeanne Valles, Jean II, né et
baptisé en 1731, adopta une autre attitude rendue possible par un certain relâchement
dans les mesures de coercition à l'égard des protestants.
En effet, dans les registres paroissiaux de Saint Jean de Crieulon on
trouve, en date du 12 octobre 1788, et en application de l'Edit de Tolérance
donné par Louis XVI en novembre 1787, la régularisation de son mariage et
celle de la naissance de ses enfants par le prieur, en sa qualité d'officier
d'état civil:
" Devant nous se sont présentés Jean Astruc, fils d'autre et de
feue Jeanne Valles, habitant Villesèque, et Marie Gascuel, fille de feu Pierre,
jardinier, et de Marie Desplantiers de la ville d'Anduze.....union reçue par Me
Fontane, notaire de ladite ville, le 26 octobre 1771... d'où les naissances de
Jean (1772), Henry (1775), Jeanne (1777), Marie (1782),...."
Un fils Antoine, né en 1778, était décédé en 1781.
Les deux filles ont fait souche à Anduze où vivent encore certains de
leurs descendants (connus de l'auteur de ces lignes).
Henry fera souche à Villesèque et nous reparlerons des Astruc.
En cette fin du XVIII ème siècle de nombreux protestants de cœur adoptaient cette attitude ne voulant faire bénir leur union à l'église et se
contentant de passer un contrat devant notaire en précisant souvent qu'ils étaient
prêts à aller à l'église à la première injonction... qui n'était jamais
faite puisque les deux conjoints étaient protestants !
En regard des lois en vigueur, ils étaient considérés comme vivant en
concubinage et leurs enfants des bâtards, toutes choses qui n'étaient guère
à la mode au XVIII ème siècle contrairement à notre fin de XX ème siècle.
Aussi cette attitude ne pouvait-elle être supportable que dans une région de
tradition protestante.
Dans les registres de Lézan on trouve plus de cinquante régularisations
dont, au moins une, présentée par une veuve sans enfants dont le mari est décédé
depuis plus de dix ans. Dans ce cas, la régularisation semble bien avoir pour
but de retrouver, aux yeux de tous, l' honorabilité.
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