DE
CONSUL à MAIRE
La
Révolution et l'Empire à Saint Jean de Crieulon.
Le siècle des lumières s'achève et bientôt la Révolution va venir
bouleverser la stabilité des institutions de la royauté.
Les idées des philosophes étaient-elles connues à Saint Jean de
Crieulon ? Il est difficile de le dire. Mais il est certain que, si dans
certaines provinces, la misère fut la cause immédiate de la révolution, dans
les pays de tradition protestante cette religion avait préparé les esprits au
changement. L'exemple du pasteur nîmois Rabaut dit Rabaut-Saint-Etienne et de
ses deux frères n'est pas isolé. Plus prés de Saint Jean de Crieulon, l'un
des commissaires élus pour rédiger les cahiers des doléances de la Sénéchaussée
est le pasteur de Sauve, Pierre Soulier, né à Durfort et gendre du Sieur
Alexandre Chabaud, ci-devant seigneur de Perdiguier, Bonaric et autres lieux.
Victime de la Terreur, il fut condamné à mort et décapité à coups de sabre
le 3 juin 1794.
Il ne semble pas pas que des évènements aussi tragiques soient
intervenus dans notre commune qui, le 27 novembre 1791, avait élu son nouveau
maire et l'équipe municipale.
Sous la présidence du prieur, Messire Jean Pierre Jac, la communauté
assemblée a élu ses administrateurs:
Antoine Bruguier, maire à l'unanimité,
Jean Boudet et Antoine Cazaly, officiers municipaux,
François Renoux, Jean Astruc, Jacques Lahondès, Claude Soumiac,
Guillaume Perrier et Pierre Pages, notables,
François Coursier, procureur.
Antoine Bruguier n'avait fait qu'échanger son chaperon de
consul contre une écharpe de maire.
L'étude du registre des délibérations de la commune permet de mieux
connaître ce que fut la vie au début de cette période.
Au cours de la délibération du 23 août 1793, an second de la République
Française, le maire (François Ferrand) déclare :
"Citoyens, vous n'ignorez point que la commune manque
d'eau depuis plus d'un mois, que cet accident lui arrive quasy toutes les années
à la même époque du mois d'août en sorte que les habitants sont obligés
d'aller chercher l'eau à un quart de lieue au moins....nécessite de construire
un nouveau puits.. mais pour épargner la dépense il propose d'approfondir le
puits actuel et demande 20 livres de poudre noire au directeur du district....
Note: Ce François Ferrand devait être un homme de qualité
non dénué d'entregent, car quelques années auparavant il était cuisinier de
M. de Vibrac à Sauve et, à peine installé à Villesèque comme aubergiste, le
voila maire de la commune après peu d'années. Un vrai tour de force quand, par
ici, un estranger est celui qui est né à quelques kilomètres.
Le citoyen Antoine Bruguier, procureur de la commune, fait une déclaration
pour souligner que le citoyen Ranc-Vibrac n'a pas été assez imposé pour la
taille....
"Je requiers donc qu'il soit fait demande audit Ranc-Vibrac de tout
ce qu'il doit depuis 29 ans, en capital et intérêts..."
La différence porte sur 4 sols trois deniers un pougèze et
trois quarts de pite de présage annuel sur le total de 18 £ 6 deniers soit
environ 1,2 % . En se basant sur une taille moyenne de 1800 £ , la somme ainsi
réclamée est de l'ordre de 650 £ soit environ 18 000 de nos francs.
La suite du registre ne dit pas si le cy-devant Baron de Vibrac devenu le
citoyen Ranc-Vibrac a payé.
Séance plénière du 4 frimaire II (25 novembre 1793).
Il est fait lecture du décret du 13 septembre dernier,
relatif à la vente des biens des émigrés.
....Sur la proposition du citoyen maire, le conseil général après
avoir mûrement examiné les facultés foncières de tous les citoyens de la
commune, a reconnu et arrêté à l'unanimité que les huit chefs de famille
ci-après désignés:
Claude Devèze, maréchal à forge,
Louis Puechagut, meunier du moulin de Vallongue,
Dumas, meunier du moulin de Beaucous,
Jean Chauvet, fermier de la métairie du Villaret,
Pellegrin, habitant la métairie de Comiac,
Etienne Rigal, aubergiste de Villesèque,
Louis Roussel, travailleur,
et François
Ferrand dudit Villesèque,
ne possédant aucune propriété foncière et qui sont bien
dans le cas de participer au bénéfice de la loi auquel leur civisme leur donne
d'ailleurs des droits assurés.
Délibération du 27 frimaire II (18 décembre 1793)
La loi a ordonné d'ouvrir un livre des dettes des communautés
et il est à nouveau fait mention de l'emprunt forcé de 1782 et 1783 pour payer
les réparations de l'église et de la maison presbytérale.
Heureusement que l'église a été réparée et se trouve maintenant
digne du culte auquel elle est consacrée par ........La délibération, en séance
publique, du 6 ventose II (24 février 1794) de la République une et
indivisible, le conseil général de la commune de Saint-Jean-de-Crieulon,
district de Saint Hippolyte, département du Gard, assemblé dans la maison du
citoyen maire à Villesèque, présents les soussignés.
Le conseil considérant quels sont
les malheurs que la différence des opinions a occasionnés dans tous les siècles,
que l'esprit de party qui en a toujours été la suite a surtout affligé et
ensanglanté plusieurs fois le territoire français, qu'il a toujours entraîné
et causé des désunions escandaleuses parmy les citoyens et les familles
elles-mêmes et voulant
arrêter
le mal dans sa cause .,
Arrête
L'agent national entendu (Antoine Bruguier)
Qu'elle
ne veut avoir et reconnaître à l'avenir d'autre culte que celuy de la Raison,
qu'elle adopte exclusivement à tout autre et qu'à cet effet l'administration
du district sera priée de rendre à la commune sa cy-devant église presbytérale
qu'elle désire consacrer au Temple de la Raison et qui lui doit être accordée
eu égard à la déclaration authentique que le représentant du peuple Borie et
ses agents ont faite aux citoyens de différentes communes que ces sortes de
monuments leur appartiennent et nous sommes signés les jours et an que dessus
à l'exception du citoyen Perrier, notable, qui a déclaré ne savoir signer.
signatures:
Ferrand maire A. Cazaly
officier Renoux officier L'agent national Bruguier
Souche Boudet
Rigal Rigal
Conduzorgues, secrétaire greffier.
Après la levée en masse pour défendre la République, la séance du 26
ventose II (17 mars 1794) est consacrée à l'audition des parents qui demandent
le retour de certains de leurs enfants :
Le citoyen Guillaume Perrier demande que son fils Guillaume
party à la réquisition de la levée en masse, âgé de 25 ans, doit être
compris dans ceux indispensables aux travaux de l'agriculture ; il est père de
huit enfants et, outre son fils, il a deux mules au service de la République.
Même demande pour Etienne Rigal, 21 ans, fils d'Etienne Rigal père de
six enfants ; Etienne le fils aîné étant le seul pour l'aider à cultiver les
terres affermées et à tenir son auberge. Le père est âgé de 52 ans et jouit
d'une mauvaise santé.
Pour Elisabeth Cazaly, veuve de Louis Puechagut, meunier de Vallongue, mère
de sept enfants (dont 5 garçons), ses trois fils aînés sont partis à la réquisition
de la levée en masse pour le service de la Patrie. Son mari étant décédé,
Pierre Puechagut, son fils aîné, peut faire aller le moulin mais, ayant aussi
des terres affermées, elle demande que Jean Puechagut puisse revenir s'occuper
des terres.
Le conseil reconnaît que les demandes sont justifiées.
Dans sa séance du 28 prairial II (17 juin 1794) est diffusé l'arrêté
du Comité de Salut Public de la Convention Nationale fixant les prix au taux de
1790 à corriger de la montée des prix :
Journée de travail des ouvriers
non nourris
nourris
Floréal Prairial Messidor
3 £
30 sols
Thermidor Fructidor Vendemiaire
36 sols 18 sols
Brumaire Frimaire Nivose
30
sols 15 sols
Pluviose Ventose Germinal
36
sols 15
sols
les femmes et filles lieuses sont
payées comme des moissonneurs.
Couple de mules ou chevaux (récolte)
9 £
4£ 10sols
temps
autre que récolte
4£ 10 sols
45 sols
Charrette à deux colliers
9 £
4£ 10sols
Note : La livre (£) contient vingt sols et sa valeur exprimée
en francs 1993 est de l'ordre de 25 à 30 francs. Le salaire journalier d'un
ouvrier non nourris était donc de l'ordre de 40 à 80 francs selon la saison et
des durées de travail liées à la longueur des journées. Floréal commençait
le 20 avril (ou le 21) et durait 3 décades soit 30 jours. Avec des
"semaines" de neuf jours de travail et seulement trois décadis (jours
de repos) on comprend que beaucoup de personnes aient apprécié le retour au
calendrier Julien le 1er janvier 1806 avec ses semaines de six jours de travail
et au moins quatre dimanches sans compter les
fêtes religieuses que la révolution avait supprimées.
Au cours de la même séance, le secrétaire greffier de la commune qui
aussi greffier du juge de Quissac ne peut cumuler les deux fonctions et
abandonne celle de Saint Jean de Crieulon qui est confiée à Pierre Puechagut
qui accepte "avec reconnaissance l'honorable fonction".
Encore une dette!
Dans sa séance du 9 fructidor II (27 août 1794) le conseil
reconnaît devoir à François Renoux et à Jean Chauvet deux fusils évalués
à 75 livres lesquels fusils ont servi à armer Guillaume Puechagut, volontaire
requis,... et le second Pierre Frigoulier requis pour l'Armée des Pyrénées.
Un autre fusil a été donné à Henry Soumiac, volontaire
pour l'Armée des Pyrénées, 4ème bataillon du Gard.
Les années ont passé. L'Empire a succédé à la République.
Et pourtant, dans la délibération du 17 février 1806, on parle encore
des dettes contractées 20 ans plus tôt pour les réparations de l'église et
du presbytère.
Le propriétaire qui a acheté, comme bien national, la dominicature (église
et biens s'y rattachant) se plaint de la proximité du cimetière. La commune
cherche un terrain un peu moins éloigné.
En 1812, le conseil municipal étudie le projet de regroupement des
communes de Logrian et de Saint-Jean-de-Crieulon. Il émet un avis défavorable
appuyé sur des arguments divers dont les débordements du Vergalous et du Bay
qui rendent difficiles les communications entre les deux villages (à la préfecture
de Nîmes on doit encore en rire !)
Plus sérieusement, le conseil serait moins défavorable à une union
avec la commune de Saint Nazaire des Gardies avec laquelle elle est limitrophe
sur une grande longueur.
Le lecteur peut constater que deux siècles plus tard rien n'a changé !
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